lundi 6 juillet 2009

A Paris, la mode sous toutes les Coutures…

Aujourd'hui débute la semaine des défilés Haute Couture à Paris.

Au moment où l’industrie du luxe traverse une crise économique sans précédent, le temps semble se figer une fois de plus pour laisser les petites mains nous émerveiller.

Mais au fait, qu'est ce que la Haute Couture ? D'un point de vue marketing, quels en sont les enjeux ?

La Haute Couture, inventée par C. F. Worth, est une vieille dame de plus de 150 ans.

C'est un label juridiquement protégé. À ce titre, et de la même manière que les AOC imposent des critères stricts aux grands crus classés, la chambre syndicale impose des règles très strictes aux candidats souhaitant se prévaloir de la prestigieuse appellation (nombre minimum de modèles à présenter, travail effectué exclusivement dans des ateliers parisiens, nombre minimum d’employés dans les ateliers, etc…)

De ce fait, l’activité Haute Couture nécessite pour une maison de mode de très importants investissements…souvent à perte. Car c’est bien là que le bât blesse. Activité très largement déficitaire, la Haute Couture ne semble s’adresser quelques centaines de clientes à travers le monde.

Le prix prohibitif des pièces y est pour beaucoup, même si les maisons concèdent volontiers que le prix de vente d’une robe Haute Couture est extrêmement proche de son coût de revient. Une vraie exception qui mérite d'être soulignée pour des marques habituées à soigner leurs marges sans trop d'états d'âme... Cela s’explique d’une part par les coûts de fonctionnement liés aux obligations imposées par la chambre syndicale, et d’autre d’autre part la nature du travail effectué sur un vêtement Haute Couture (temps passé sur chaque vêtement, prix des tissus, ornementations, broderies, etc…)

Alors certains esprits chagrins voudront systématiquement opposer l’artisanat à l’industrie du luxe quand finalement la Haute Couture les réunit. Quel plus bel exemple que la maison Chanel, réunissant sous la houlette de Karl Lagerfeld la crème des artisans des métiers satellites de la mode (bottier, plumassier, brodeurs…)

La Haute Couture permet aux maisons de montrer le talent de leurs ateliers.

Elle est également un laboratoire d’expérimentation pour les nouvelles technologies de la création de mode (découpes, matières, traitements textiles, etc…).

C'est enfin un laboratoire de tendances, au sein duquel les maisons dissertent sur leur ADN tout en poussant le processus créatif à l'extrême.

Un label, finalement, a un rôle simple : garantir un standard de qualité qui mette son dépositaire à l’abri de tout soupçon quant à la qualité de ses produits et par conséquent la légitimité de son métier.

Car les deux semaines de la Couture à Paris sont de loin l’événement de mode le plus prestigieux et le plus couvert par les médias du monde entier.

La Haute Couture confère alors une crédibilité, un prestige aux maisons, qui, assise sur une histoire et un passé souvent idéalisé, peut leur permettre par la suite de vendre prêt-à-porter, accessoires, et bien évidemment cosmétiques. In fine, la voilà la rentabilité de la Couture. En ces temps troublés, le luxe institutionnel, incarné à merveille par la Haute Couture, doit travailler ses fondamentaux : il est une valeur-refuge et doit rassurer ses clients, au moment où ces derniers sont en pleine crise de culpabilisation et cherchent à mettre du sens dans leur acte d'achat. Il s'agit pour les marques de "dématérialiser" leur image tout en continuant à vendre leurs produits.

La maison Dior, dont le résultat opérationnel s'est largement dégradé en 2008 et sur le 1er semestre 2009, défilait cette saison dans les salons feutrés de l'avenue Montaigne... Choix purement artistique ou contrainte économique ?

Devenues raisonnables depuis la crise, les "recessionistas" comme on les appelle aux Etats-Unis, se laisseront-elles séduire par la Couture retro-40ties de John Galliano (voir visuel ci-dessus) ? La parole est aux rédactrices. Quant aux ventes, motus sur l'activité Couture et ce dans toutes les maisons...luxe oblige !

vendredi 26 juin 2009

Le luxe se solde (-rait) ?

Soldes suprêmes, soldes exceptionnels, soldes absolus, soldes soldes soldes !!! Depuis mercredi 24 juin, les soldes d’été ont commencé en France. Après un 1er semestre très difficile pour tous les secteurs économiques, y compris le luxe, ces soldes représentent un enjeu considérable pour le résultat opérationnel des marques.

L’industrie du luxe, qui cultive les paradoxes (voir l’excellent article de Bernard Dubois à ce sujet), s’accommode avec facilité du principe des soldes, et le poids de cette période de l’année sur le CA des marques et des distributeurs est de plus en plus considérable.

Mais comment concilier l’idée de luxe et celle des soldes ? Quid de l’image ? Y a t il un risque à terme pour les marques à brader leur marchandise à date fixe ? Je vous propose quelques éléments de réflexion.

Le prix, élément essentiel dans la définition du luxe : la dimension sociétale

Le prix restreint l’accès au luxe, donc crée la mise à distance nécessaire à la « sanctuarisation » de la marque.

Le prix est un facteur d'exclusion. À ce titre, il définit pleinement la dimension "sociétale" du luxe. D’ailleurs, on peut dire que le luxe se définit autant par les populations qu’il tient à l’écart que par les personnes qu’il entend réunir.

Le luxe se paye cher, il se mérite, il est une récompense.

Jadis des clients fidèles, aujourd’hui des consommateurs aguerris

La loyauté des clients envers une marque, dont les maisons ont pu se prévaloir pendant des années, notamment dans la mode, car attachée à un style incarné par un créateur, n’existe pratiquement plus. En fait, elle existe encore, mais pour un très petit nombre de clients.

Les clientes consomment le luxe avec discernement, introduisant le rationnel dans ce qui était jusqu’ici l’émotionnel, l’affectif. Le caractère émotionnel de notre relation au luxe n’a pas disparu, loin de là. Cependant, il n’est plus aujourd’hui le seul déclencheur de l’acte d’achat. On compare, on juge, on examine, bref on raisonne. Le web, les nouveaux médias, et l’information en temps réel (toujours elle…) ont largement changé la donne. Car même si, in fine, la décision d’achat reste un mécanisme ultra complexe tant il peut être en proie aux passions et à l’inconscient, il n’en reste pas moins que nous avons introduit cette part de raisonnement dans l’équation.

La question du point de vente

Le point de vente se transforme pendant les soldes. Objet de toutes les attentions pour les maisons, au prix d'investissements coûteux et de loyers souvent exorbitants, il passe d’un écrin (si gigantesque soit-il) à une foire d’empoigne, un lieu engorgé et par conséquent dégradé…au grand désespoir des architectes et autres merchandisers visuels. À ce titre, on peut noter l'exemple de la maison Dior qui, depuis quelques saisons maintenant, "délocalise" ses soldes parisiens de la boutique Montaigne à l'espace Drouot Montaigne, afin de ne pas "abîmer" la boutique historique pendant cette période et de conserver intact pour les clients le flagship parisien de la marque. Des clientes qui apprécient la tranquilité d'un shopping préservé des hordes de serial shoppeuses au comportement frénétique.

L’élément temporel dans l’ouverture au luxe que représentent les soldes

Les soldes sont une course de sprint pour le client, alors que le luxe véhicule l’idée d’intemporel. Le « vrai » luxe, même si je préfère ne pas utiliser cette terminologie, ne peut s’envisager avec une date limite, au delà de laquelle il deviendrait caduque. Le vrai luxe, à vrai dire, est de ne pas avoir besoin d’attendre les soldes. Mais je vois déjà les critiques me taxer de snobisme…

Le rituel des soldes : sa mise en scène, sa représentation

Files d’attentes interminables, vigiles, clients qui entrent au compte-goutte, zoning, conditions d'achat spéciales : tout est théâtralisé lors des soldes. On crée une dramaturgie pour faire monter la hype, l'excitation, l'envie, comme si tout se jouait pour le client à ce moment précis (à vrai dire tout se joue pour les marques).

Prix et valeur du luxe

Entre les 2 périodes de soldes "classiques", les nouveaux soldes "flottants" et le reste des autres périodes de promotions au sein des grands magasins, il n'y a aujourd'hui presque plus que 4 mois dans l'année pendant lesquels le client achète les produits à plein prix. Dès lors, s'il peut acheter à prix réduit presque tous les mois de l'année, pourquoi acheter à plein prix ? Cela pose immédiatement la question des marges des marques et des distributeurs, qui se voient directement dégradées par ces opérations.

Oscar Wilde avait défini le cynique comme celui "qui connaît le prix de chaque chose et la valeur d'aucune". Quel est l'impact de la réduction du prix d'un produit de luxe sur notre perception de sa valeur ? Le prix est un élément objectif qui positionne un produit sur le marché en le dotant d'un critère de comparaison rationnel. La valeur, elle, est un élément hautement subjectif car attachée à la perception de chacun, à notre rapport personnel à la marque et au produit.

Conclusion : un coup de canif dans la fabrique du rêve ?

S'il est vrai, à l'examen de ce qui caractérise le concept de soldes (et de remise en général), qu'il procède d'une sérieuse altération de l'un des caractères essentiels du luxe - le prix -, il n'en reste pas moins que les soldes sont une réalité dont l'immense majorité des maisons de luxe ne peut se passer. Alors stocks invendus ou marge à la baisse, le débat reste ouvert quant au dilemme devant lequel se trouvent les maisons. Quant à l'impact sur l'image, le diagnostic est loin d'être aisé. A tout le moins doit-il être tempéré. Si aujourd'hui seul Louis Vuitton peut se targuer de ne pas solder ses produits sans remettre en cause sa profitabilité, il en va différemment pour l'ensemble des autres acteurs du luxe. Au moins cet exemple unique peut-il leur permettre de repenser leur rapport aux soldes.

Enfin, pourquoi ne pas commencer pour les marques par communiquer différemment sur les soldes. A titre d'exemple, Le Bon Marché a trouvé son credo : "Nos soldes sont rares, et donc précieux..." disent les vitrines de la rue de Sèvres. Habile façon de retourner la problématique abordée plus haut : le solde devient un luxe, rare et donc précieux. Encore cette histoire de valeur "latente" attachée à la marque.

En conclusion, on comprend bien que le prix fait partie d'un faisceau d'éléments convergents qui, lorsqu'ils sont réunis avec talent et pertinence, projettent dans notre esprit l'idée de luxe.

Produits d'exception, communication, expérience en magasin, et notions de services feront le reste...luxe oblige !

lundi 22 juin 2009

Pop-up stores : le luxe à durée déterminée

Puisqu’ « à quelque chose, malheur est bon », la crise financière aura au moins eu le mérite de provoquer une ébullition dans le cerveau des marketeurs du monde entier, les poussant à innover comme jamais pour trouver de nouvelles solutions – à moindre coût. Le luxe n’échappe évidemment pas à ce phénomène.

Dernière tendance en date illustrant la volonté des marques de créer l’événement : le Pop-up Store, point de vente éphémère utilisé pour créer le buzz autour d’un lancement de produit, d’une capsule ou d’une collaboration entre une marque et un artiste par exemple. Déjà en 2008, la maison Comme des Garçons, dont la navigation du site web se fait par...pop-up ! avait donné l’impulsion, inaugurant un pop-up Store Louis Vuitton + CDG dans le quartier d’Aoyama à Tokyo.

Baptisés « Guérrilla Stores » par la créatrice Rey Kawakubo, en référence à la Guerrilla Marketing, ces mini magasins surfent notamment sur un corrolaire de la crise : la vacance de boutiques récemment fermées et les corners qui se libèrent dans les grands magasins et autres concepts stores.

Azzaro à Londres (cf visuel ci-dessous), Cacharel, Thierry Mugler et comme des Garçons à Paris pour la collection Black CDG (cf 2ème visuel ci-dessous) ou dernièrement la boutique Nevermind située rue Hérold à Paris : le pop-up store séduit les fashion adddicts en leur offrant l’opportunité de prendre part à un évènement unique et souvent très médiatisé, le tout dans un temps imparti relativement court.

Le pop-up store a la particularité d’être de petite taille (économie oblige…), ce qui renforce pour le client l’idée d’un endroit exclusif car ne pouvant accueillir beaucoup de monde. L’impression de petit club, d’adresse confidentielle connue uniquement par les initiés, est en fait une illusion. Une adresse insolite ou un emplacement inattendu assurent également son succès.

Le principe d’ouverture-fermeture, qui constitue selon MM Kapferer et Bastien un caractère essentiel du luxe, est ici mis en scène avec exagération. On parle beaucoup du lieu, mais peu de personnes pourront y entrer, car il est assez petit, et fermera bientôt…

En gros, on ne pourra combler que quelques clients, et pour une durée très limitée. Le marketing de la frustration dans ses plus beaux atours !

Enfin, si le luxe est synonyme de rareté, on observe avec le pop-up store un glissement de la notion de rare vers celle, marquée dans le temps, d’éphémère. Ce qui est rare est cher, et donc luxueux. Par syllogisme, ce qui est limité (dans le temps et/ou la quantité) devient donc luxueux.

À ce titre, un pop-up store réussi aura la capacité de cristalliser sur un point de vente deux éléments essentiels au luxe : les qualités intrinsèques d’un produit (savoir-faire, matières premières) ou d’un concept et la valeur immatérielle que le client attache à la marque ( la notion de « rêve » générée par la communication). La composante temporelle et la notion de « compte à rebours » avant la fermeture agit alors comme un accélérateur, provoquant la désirabilité. On peut également envisager le pop-up store comme un formidable laboratoire permettant à la marque de tester dans les conditions du réel les comportements de clients placés dans des situations d’achat inédites.

Dès lors, on est en droit de se poser la question suivante : les Pop-up stores s’adressent-ils à tous les acteurs du luxe ?

Un premier élément de réponse réside peut-être dans la distinction ténue entre marques dites « institutionnelles » et marques dites « de créateurs », les secondes développant souvent, pour des raisons économiques, des stratégies avant-gardistes de communication, à l’image des collections qu’elles proposent. Le luxe institutionnel semble réticent, sauf exception, à casser son image de valeur-refuge pour aller vers l’expérimental. Faire appel à un artiste cutting-edge ou développer un concept nouveau voire inédit (architecture, expérience sensorielle) le temps d’une boutique éphémère permet alors de s’encanailler sans véritablement écorner l’image de la marque. A plus ou moins long terme, celle-ci bénéficiera positivement de cette association entre son nom et le produit, l’artiste ou le concept associé le temps d’un one shot.

Le pop-up store autorise alors quelques excès, qui seront bien vite oubliés (ou pardonnés ???) dès la fermeture du point de vente. La guérilla gentille, en somme…luxe oblige.

samedi 20 juin 2009

Calvin Klein choque les bobos de SoHo


Je vous parlais il y a quelques temps du porno-chic des années 2000. Hasard de l’actualité, il semble que ce style de campagnes ait encore de beaux jours devant lui. La marque Calvin Klein a en effet choisi d’afficher sa nouvelle campagne sur panneau géant en plein cœur du quartier arty-bobo de SoHo, à Manhattan. La scène, très explicite, représente un threesome (triplette en français selon wordreference, si si !!!) entre une très jeune femme et trois garçons.

Soyons clair, le propos de ce billet n’est pas de savoir si CK peut choquer les bobos new-yorkais ou si le très jeune âge du mannequin femme de cette campagne pose un problème de valeurs. Dans une Amérique encore très puritaine prônant la défense des valeurs familiales traditionnelles, il me paraît logique que cela puisse émouvoir les passants, accompagnant leurs jolies petites têtes blondes sur le chemin de l’Elementary School…

D’un point de vue marketing, il me paraît intéressant de s’interroger sur les raisons d’un tel choix de campagne par CK : le buzz provoqué par cette affiche ne pouvant suffire à justifier cette stratégie de communication pour une maison de mode de renommée internationale, à l’image aujourd'hui assez floue mais au positionnement haut de gamme.

Même Oliviero Toscani, dont les pubs pour Benetton ont marqué l’histoire de la publicité (cf campagne prêtre vs nonne), cherchait à provoquer, mais toujours avec un message politique ou social fort.

Le maestro Tom Ford, quant à lui, aura marqué à tout jamais l’histoire de la mode en jouant à fond la carte porno-chic dans les années 2000, cristallisant l’image de maisons comme Gucci (cf campagne "G" hair feat le mannequin Carmen Kass), Yves Saint Laurent (cf campagne pour le parfum Paris) ou plus récemment sa propre marque de parfums (cf campagne Tom Ford for Men)autour de l’idée d’un luxe sexy, désirable et décadent.



Quant à Calvin Klein, j’avoue ne pas comprendre le sens de cette campagne.

Créer le buzz, oui, mais à condition de mettre un peu de sens dans le concept, notamment en développant un imaginaire, des valeurs ou une histoire propres à la marque. Tout cela me semble pour tout vous dire assez gratuit. La très conservatrice American Family Association pourrait d'ailleurs obtenir le retrait de cette campagne aux motifs qu'elle offrirait au public une preprésentation explicite de pedo-pornographie, eu égard à l'âge de la jeune femme du visuel. Alors voilà, le débat est lancé et votre opinion m'intéresse : pour, contre, sans... Campagne de buzz réussie ou plantage de communication de la griffe américaine ? Les clients jugeront, comme toujours...luxe oblige.

mercredi 17 juin 2009

Label 5 étoiles pour les hôtels français : l'exception culturelle à l’épreuve de la réalité

Ah on l’aime notre luxe, notre gastronomie, notre mode...On les aime nos vins, nos parfums, et notre art de vivre à la française… Si bien qu’on en oublie parfois, à l'instar du Roméo de Shakespeare, que le monde existe bel et bien hors des murs de Vérone. Et il tourne vite, le bougre !

Le secrétariat au tourisme vient de décerner le label 5 étoiles à 11 hôtels en France, pour la première fois dans l’histoire de l’hôtellerie française. Plaza Athénée, Hôtel de Crillon, Ritz, Meurice, Georges V… toutes ces prestigieuses adresses sont en effet labellisés « 4 étoiles luxe ». J’en perds mon latin. Ces établissements si renommés, appelés pompeusement "Palaces", ne seraient pas dignes des standards internationaux ? Scandale ! Complot ! Mais non cher lecteur, la vérité est ailleurs…

Crise économique mondiale oblige, notre industrie du tourisme souffre comme jamais et la concurrence très agressive de nouvelles destinations et se devait de réagir en proposant une grille de lecture et de comparaison en cohérence avec les normes internationales à ses visiteurs. D’un point de vue marketing, rien que de plus normal me direz-vous ? Ce n’est finalement que du bon sens. Il y fore à parier que la France vient de combler un gros handicap dans la compétition qui l’oppose aux autres poids lourds du tourisme. Du point de vue d’un consommateur habitué à séjourner dans des 5 étoiles à travers le monde, ce label marqué en autres par le plus haut degré d’exigence en termes de services (amabilité de l’accueil et connexion internet Haut Débit) sera une garantie de plus au moment de réserver sa chambre, seul devant son ordinateur ou dans son agence de voyage, face à une multitude de choix possibles...Le label rassure, il devient le garant du luxe institutionnel, jouant le rôle de valeur-refuge en temps de crise.

Cependant, n’obtient pas 5 étoiles qui veut et seul le Fouquet’s Barrière ainsi que deux autres établissements pourront arborer fièrement leur 5ème étoile dans la capitale… En effet, le cahier des charges étant très lourd, l’obtention de ce nouveau sésame tant convoité ne se fera pas sans quelques -gros- investissements pour les vénérables établissements cités plus haut notamment. Conséquence amusante, Paris se retrouvera donc dans un premier temps avec "seulement" 3 établissements estampillés 5 étoiles, quand la province en comptera 8… Qui a dit que notre état était trop jacobin ?

Car finalement, cette harmonisation des normes françaises de l’hôtellerie de luxe pose plus généralement la nécessité pour l’industrie du luxe d’appréhender son offre au regard d’un luxe mondialisé. À ce titre, la révolution internet a propulsé les clients du vrai luxe au cœur du village virtuel, facilitant la remise en cause, la comparaison, l'exigence et valorisant la découverte de destinations nouvelles.

Au-delà de leur attachement historique, chauvin (si, si…), viscéral et légitimement irrationnel à l’exception culturelle française, il est important pour les marques de luxe qu’elles se positionnent de façon lisible dans la compétition mondiale afin de pouvoir faire valoir la qualité et le savoir-faire des produits ou des services qu’elles distribuent avec talent. L'exception culturelle ne doit pas devenir synomyme d'un singularisme de principe replié sur lui-même mais doit au contraire rester cette French Touch si particulière qui fait rayonner la France et notre belle industrie à travers le monde...luxe oblige.


Pour les trendsetters compulsifs qui souhaitent être parmi les premiers à séjourner dans un 5 étoiles français, voici la liste complète des 11 pieds-à-terre détenteurs de l'appelation :

Bordeaux

Le Burdigala - 115, rue Georges Bonnac

Site : http://www.burdigala.com/

Courchevel

L'Annapurna - Route de l'Altiport

Site : http://www.burdigala.com/

Les Airelles - Le Jardin Alpin

Site : http://www.airelles.fr/

Le Cheval Blanc - Le Jardin Alpin

Site : http://www.chevalblanc.com/

Le Kilimandjaro - Route de l'Altiport

Site : http://www.kilimandjaro.com/

Le Lana - Route de Bellecôte

Site : http://www.kilimandjaro.com/

Le Mélezin - Rue de Bellecôte

Site : http://www.kilimandjaro.com/

Evian

Hôtel Le Royal

Site : http://www.royalparcevian.com/

Paris

Le Fouquets - 46, Avenue George V

Site : http://www.fouquets-barriere.com/

Hyatt Regency Paris Madeleine - 24 Bd Malesherbes

Site : www.paris.madeleine.hyatt.fr

Le Square - 3, rue de Boulainvilliers

Site : http://www.hotelsquare.com/


lundi 15 juin 2009

Ma…Dame Gaultier buzz en ligne pour Jean-Paul


A l’occasion du premier anniversaire de son nouveau jus, savamment baptisé Ma Dame, notre trublion national de la mode, Mr Jean-Paul Gaultier, lance une campagne de buzz marketing en ligne. Un mini-site a même été créé pour l’occasion : ma-dame.com. Sur le site, pas mal de contenu ; des clips videos de la soirée de lancement, des making-of, des photos du shooting de la campagne d’affichage… Mais le plus intéressant est que ce mini-site dédié est en réalité un teaser destiné à nous faire deviner l’identité de la femme choisie par Jean-Paul pour incarner son parfum. Les indices sur l’identité de cette égérie seront révélés un à un via un reseau de blogs et sur le site. Les 30 premiers blogueurs à déviner le nom correct de l’égérie choisie par Gaultier pour incarner son parfum recevront un cadeau envoyé par Mr Gaultier himself.

L’intelligence de cette campagne de en ligne est qu’elle vise à provoquer le buzz au travers de la recherche de l'identité -secrète- de la personne qui incarnera le parfum dans les médias. Le choix par la maison Gaultier de soumettre des indices à des blogueurs est également un révélateur fort du rôle de la blogospshère pour les marques de luxe dans un contexte économique difficile : prescripteurs, influents, mais également le vecteur d’entrée dans les formidables possibilités qu’offre le web 2.0 et la culture online. De ce point de vue, on peut observer que loin de galvauder la marque, une initiative de communication en ligne correctement orchestrée et parfaitement ciblée peut faire rêver les marques aux nouvelles possibilités qu'offre le web...à moindre coût.

J’ai personnellement été agréablement surpris par l’efficacité de la campagne, c’était pour moi d’autant plus étonnant que la maison Gaultier ne fait pas, à mon sens figure d’étalon maître en terme de communication ou de campagnes marketing.

Quant à l’identité de la dame de Jean-Paul Gaultier, je ne manquerai pas de vous la révéler dès que le suspens aura pris fin sur la toile…luxe oblige.

mercredi 10 juin 2009

Tom & Dom, retour sur une success story des années 90

Campagne de publicité American Express – 1994

Flashback en 1994. Allez, un petit effort de mémoire. Pour la bonne cause, promis.

A cette époque, les icônes de la mode, les "Tops", s’appelaient Linda, Cindy, Naomie ou Claudia et les maisons de mode de luxe s’apprêtaient à entrer dans l’aire des couturiers stars, incarnés par le charismatique Tom Ford.

Cette publicité American Express met en scène la star montante de Gucci et son alter ego, le génial Domenico De Sole. Ensemble, ils sont en passe de réussir la plus belle résurrection de l’histoire du luxe, faisant d’un maroquinier italien moribond le deuxième plus gros groupe de luxe du monde. Ils seront bientôt au sommet de la planète luxe.

Tom Ford, alors directeur artistique de Gucci, fait face à Domenico De Sole, l’avocat historique de la marque italienne, devenu entre temps CEO de Gucci Group. On s’amuse du contraste, on admire les deux hommes, et les valeurs qu’ils incarnent. Le premier, saharienne, T-shirt, lunettes aviator et barbe de 3 jours, est accoudé nonchalamment à une ferrari vintage. Le second, en costume italien sur-mesure, incarne le monde de la finance et de l’argent. La scène se passe devant le canal de Venise. Packshot ; c’est dans la boîte. Le produit Gucci, la marque Tom Ford, ou l’inverse. L’american dream et le vieux continent sont réconciliés le temps d’une campagne.

Ces deux-là incarnent alors l’irrésistible ascension des groupes de luxe, et la dictature en marche d’un glamour opulent et assumé. L’un tire les ficelles dans l’ombre des conseils d’administration. L’autre, control freak revendiqué, plus décideur que créateur selon ses propres aveux, homme d’image et trendsetter avant la lettre, s’apprête à inventer le porno-chic, petit concept qui va tout simplement révolutionner notre façon de penser les codes du luxe moderne, en les réinventant, les remettant en cause.

A vrai dire, Tom Ford incarne la « Désirabilité », une recherche plus sensualiste, individuelle, affective du luxe… Une logique érotique qui renvoit aux émotions. Ensemble, Tom Ford et Domenico De Sole réconcilient création artistique et marketing.

Mais était-ce vraiment nouveau ?

Imaginez un instant Monsieur Saint Laurent, accoudé à un bolide italien, posant avec Pierre Bergé devant le porche d’un palace du triangle d’or… Ça aurait eu de la gueule, non ?

L’image du créateur, un risque que les marques doivent maîtriser

La décennie suivante verra l’avènement des créateurs ultra-médiatisés : John, Karl, Hedi, Marc, D&G… mais jamais dans un tel mélange entre l’image de la maison et la leur. Au jeu des egos démesurés, l’aire des dictateurs artistiques tout-puissant s’achèvera quelque part au milieu des années 2000. La raison, toujours la même : money talks. Car si elle bénéficie à plein du buzz et de la notoriété créée autour de la personne du créateur, la marque perd le contrôle de son destin. Si l’image du créateur se détériore dans les médias, pire si le créateur vient à disparaître ou à quitter la marque, la confusion créée entre celui-ci et la marque sera très difficile à gérer. À ce titre, les égéries, éléments relativement interchangeables, sont un palliatif pour un luxe qui passe aujourd’hui obligatoirement par le tapis rouge.

Belle époque que cette année 1994 : on commençait déjà à parler de marketing du luxe, et on ne parlait pas encore de self-branding, bien que cela ait toujours existé. Et on en redemandait…

Alors oui au droit d’inventaire, mais pas sans avoir préalablement rendu quelques hommages... luxe oblige !