lundi 22 juin 2009

Pop-up stores : le luxe à durée déterminée

Puisqu’ « à quelque chose, malheur est bon », la crise financière aura au moins eu le mérite de provoquer une ébullition dans le cerveau des marketeurs du monde entier, les poussant à innover comme jamais pour trouver de nouvelles solutions – à moindre coût. Le luxe n’échappe évidemment pas à ce phénomène.

Dernière tendance en date illustrant la volonté des marques de créer l’événement : le Pop-up Store, point de vente éphémère utilisé pour créer le buzz autour d’un lancement de produit, d’une capsule ou d’une collaboration entre une marque et un artiste par exemple. Déjà en 2008, la maison Comme des Garçons, dont la navigation du site web se fait par...pop-up ! avait donné l’impulsion, inaugurant un pop-up Store Louis Vuitton + CDG dans le quartier d’Aoyama à Tokyo.

Baptisés « Guérrilla Stores » par la créatrice Rey Kawakubo, en référence à la Guerrilla Marketing, ces mini magasins surfent notamment sur un corrolaire de la crise : la vacance de boutiques récemment fermées et les corners qui se libèrent dans les grands magasins et autres concepts stores.

Azzaro à Londres (cf visuel ci-dessous), Cacharel, Thierry Mugler et comme des Garçons à Paris pour la collection Black CDG (cf 2ème visuel ci-dessous) ou dernièrement la boutique Nevermind située rue Hérold à Paris : le pop-up store séduit les fashion adddicts en leur offrant l’opportunité de prendre part à un évènement unique et souvent très médiatisé, le tout dans un temps imparti relativement court.

Le pop-up store a la particularité d’être de petite taille (économie oblige…), ce qui renforce pour le client l’idée d’un endroit exclusif car ne pouvant accueillir beaucoup de monde. L’impression de petit club, d’adresse confidentielle connue uniquement par les initiés, est en fait une illusion. Une adresse insolite ou un emplacement inattendu assurent également son succès.

Le principe d’ouverture-fermeture, qui constitue selon MM Kapferer et Bastien un caractère essentiel du luxe, est ici mis en scène avec exagération. On parle beaucoup du lieu, mais peu de personnes pourront y entrer, car il est assez petit, et fermera bientôt…

En gros, on ne pourra combler que quelques clients, et pour une durée très limitée. Le marketing de la frustration dans ses plus beaux atours !

Enfin, si le luxe est synonyme de rareté, on observe avec le pop-up store un glissement de la notion de rare vers celle, marquée dans le temps, d’éphémère. Ce qui est rare est cher, et donc luxueux. Par syllogisme, ce qui est limité (dans le temps et/ou la quantité) devient donc luxueux.

À ce titre, un pop-up store réussi aura la capacité de cristalliser sur un point de vente deux éléments essentiels au luxe : les qualités intrinsèques d’un produit (savoir-faire, matières premières) ou d’un concept et la valeur immatérielle que le client attache à la marque ( la notion de « rêve » générée par la communication). La composante temporelle et la notion de « compte à rebours » avant la fermeture agit alors comme un accélérateur, provoquant la désirabilité. On peut également envisager le pop-up store comme un formidable laboratoire permettant à la marque de tester dans les conditions du réel les comportements de clients placés dans des situations d’achat inédites.

Dès lors, on est en droit de se poser la question suivante : les Pop-up stores s’adressent-ils à tous les acteurs du luxe ?

Un premier élément de réponse réside peut-être dans la distinction ténue entre marques dites « institutionnelles » et marques dites « de créateurs », les secondes développant souvent, pour des raisons économiques, des stratégies avant-gardistes de communication, à l’image des collections qu’elles proposent. Le luxe institutionnel semble réticent, sauf exception, à casser son image de valeur-refuge pour aller vers l’expérimental. Faire appel à un artiste cutting-edge ou développer un concept nouveau voire inédit (architecture, expérience sensorielle) le temps d’une boutique éphémère permet alors de s’encanailler sans véritablement écorner l’image de la marque. A plus ou moins long terme, celle-ci bénéficiera positivement de cette association entre son nom et le produit, l’artiste ou le concept associé le temps d’un one shot.

Le pop-up store autorise alors quelques excès, qui seront bien vite oubliés (ou pardonnés ???) dès la fermeture du point de vente. La guérilla gentille, en somme…luxe oblige.

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