dimanche 7 juin 2009

Christian Lacroix, ou quand le rêve rencontre la (dure) réalité

La maison Christian Lacroix a été placée le 2 juin dernier en redressement judiciaire, par le tribunal de commerce de la ville de Paris. Fleuron de la Haute Couture, la maison a été créée en 1987 par Christian Lacroix avec l’appui de Bernard Arnault, PDG du numero 1 du luxe LVMH. Après des années de soutien sans faille malgré l’absence de profits, LVMH vend finalement en 2005 la maison Lacroix au groupe américain Falic, spécialisé dans les Duty Free. Le créateur, lui, ne décolère pas depuis l’annonce de mise en redressement judiciaire de la marque qui porte son nom. Il fustige l’incapacité du groupe Falic à dialoguer et la gestion calamiteuse de la société.

Aujourd’hui, malgré un processus de recherche de nouveaux partenaires financiers « arrivé en phase finale » et un vaste plan de repositionnement axé sur le prêt à porter de luxe, la maison n’aura pas pu résister à la crise économique qui frappe le monde. Un mauvais timing aggravé par une stratégie qui misait beaucoup sur la clientèle américaine, premier marché touché par la crise. Au-delà des difficultés qui touchent les maisons de luxe dans un contexte économique difficile, la mise en redressement – et la liquidation éventuelle – de la maison Lacroix pose la question fondamentale du positionnement d’une marque sur un marché, et ce malgré toute la légitimité qu’elle a dans son secteur d’activité.

Car Christian Lacroix est une maison de Haute Couture. Cela a son importance.

La Couture est une vitrine, certes. Elle est une activité largement déficitaire pour l’ensemble des maisons présentes au calendrier de la fédération. C’est cependant un sacrifice consenti avec bon cœur par les maisons pour une raison simple : elle est le plus formidable vecteur de communication pour un acteur de la mode. C’est même un label, et sans doute un élément important du rayonnement de la France à travers le monde. La maison Chanel, par exemple, au travers de son travail avec les artisans de la Couture (Massaro, Lemarié, Lesage, Gossens, Michel), fait aujourd’hui figure de « mécène » de l’industrie du luxe.

Le label Haute Couture entretient parfaitement la valeur immatérielle des marques, élément-clé permettant de vendre des produits dérivés (parfums, cométiques, etc…) sans abîmer la griffe. À ce titre, la maison Lacroix bénéficie d’un atout majeur dans l’industrie du luxe.

Quant à la marque Lacroix, on peut se demander pourquoi une maison avec un tel savoir-faire et un ADN de marque aussi reconnaissable n’a jamais connu de réalité commerciale forte. Un prêt-à-porter faible au positionnement assez vague, un réseau de distribution en propre sans véritable concept fort, une politique de distribution en multimarques pas assez sélective, tout cela aura au raison de cette belle maison. Sans parler de l’inexistence des lignes d’accessoires, qui ont porté la croissance des toutes les maisons de mode depuis maintenant 15 ans. Ajoutez à cela un créateur dont les faits d’arme les plus médiatisés sont le relooking des cinémas Gaumont, du TGV, et les costumes des hôtesses d’Air France, et il devient assez difficile pour les clients du luxe de rêver de la griffe du créateur arlésien.

Je pense que cette belle maison mérite sa place dans l’industrie de la mode et du luxe. Peut- être cette épreuve permettra-t-elle à la maison Lacroix de se poser clairement les questions de son positionnement, des ses collections, de son activité de prêt-à-porter, des lignes d’accessoires, de son réseau de distribution et de sa communication. Les investisseurs doivent voir le potentiel de Christian Lacroix. Avec, pourquoi pas, un nouveau directeur artistique, Lacroix pourrait devenir la dernière « Belle endormie » à réveiller la mode, comme Rochas ou Balmain récemment. La démarche du marketing, qui propose aux sociétés commerciales de se doter des outils adaptés afin de proposer des produits en cohérence avec leur cible, leur marché, apparaît comme un élément essentiel de l’activité des maisons de luxe, pour qui le savoir-faire et la créativité seuls ne peuvent suffire à provoquer le développement et la croissance.

Le plus difficile au fond pour une marque de luxe n’est pas d’être capable de proposer un produit exceptionnel. C’est finalement de parvenir à un subtil équilibre entre une offre produit conforme à ses valeurs et la nécessaire rationalisation d’une activité basée sur la créativité, donc l’intangible.

Gageons qu'au terme de la période d'observation de 6 mois qui commence, la plus arlésienne des maisons de Couture sera sauvée de la liquidation. Un positionnement clair, des lignes d’accessoires dignes d’une grande maison et une communication adaptée devrait sans doute aider la maison Lacroix à donner une réalité commerciale à son activité…luxe oblige.

http://www.christian-lacroix.fr/

3 commentaires:

  1. Hello Mickael!

    Lacroix Lacroix, quel dommage!

    Mais on dit l'homme peu enclin à faire confiance aux équipes qui l'entourent et le conseillent, au point de faire se succéder une quasi vingtaine de pdg en moins de 2 ans, pas à même de se remettre en cause, en difficulté depuis un temps certain, au point de ne plus payer ses fournisseurs.

    En résulte une couture plus suffisamment couture, et un PAP trop baroque, mal dans son époque...

    Ajouter à cela comme tu le dis, une diversification insuffisante (des accessoires peu reconnus, une mauvaise stratégie sur les parfums qui eût permis de porter la marque financièrement)... et c'est le drame!

    Il manquera à la Haute couture, c'est sûr!

    (Nat)

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  2. Ta note résume parfaitement la situation. Le seul problème, c'est que j'ai du mal à croire que Monsieur Lacroix changera de mentalité en six mois.
    Merci pour ton commentaire chez moi, il m'a permis de découvrir ton (tout nouveau) blog. Je repasserai.

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  3. Comme l'a fait remarquer Natalie, la ligne d'accessoires de Lacroix n'est pas inexistante, au contraire; les collections de bijoux, souliers, petite maroquinerie et sacs a mains sortent chaque saison.
    Les prix tres eleves et le style "particulier" de ces collections expliquent peut etre qu'elles ne recontrent qu'un succes tres relatif...

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